Interview de Romain, éducateur
Qu’est-ce que l’activité musique ?
L’activité musique du mardi après-midi se différencie assez bien de ce que je fais le mercredi matin. Le mercredi matin j’anime une activité lors de laquelle il s’agira plus de se défouler sur de la musique rythmée. En général, ce sont des percussions qui sont un peu plus lourdes, plus expressives. Le mardi, ça reste de la musique mais le choix des instruments est complétement différent, on est dans une ambiance plus calme, plus apaisante au niveau de la recherche des sons. Le but c’est d’arriver à quelque chose de très doux de type Snoezelen. J’utilise surtout des instruments en métal car ils vibrent longtemps. On a donc des sons qui durent longtemps et qui sont plus apaisants. L’activité se différencie aussi par le fait qu’il faille plus de temps à chacun pour développer ses compétences sur les instruments. Ça fait déjà quelques années que j’anime cette activité-là, donc il y a quelques personnes qui ont pu développer des aptitudes sur ces instruments. Il y a une personne qui, à la base, préférait les percussions qui « bougent » plus, mais lorsqu’elle vient le mardi, elle s’apaise et est davantage dans l’écoute. Parfois, elle s’endort rapidement. Je tolère le fait que les personnes se calment complètement et arrivent à écouter la musique sans intervenir, s’ils arrivent à un état de somnolence, je les laisse s’endormir quelques minutes car l’ambiance se prête vraiment à ça. En général, les personnes participent, mais il arrive un moment où certaines n’ont plus envie de participer et préfèrent écouter. Etant donné que plusieurs personnes suivent l’activité depuis un certain temps et qu’elles ont développé des aptitudes sur des instruments, on a fait une sorte de partenariat avec une institution à Mont qui s’occupe d’enfants sévèrement handicapés. Tous les deux mois, on va faire une représentation chez eux. Je choisis les participants en fonction de leur envie de transmettre quelque chose. Aujourd’hui je peux compter sur une dizaine de personnes qui peuvent partager leurs aptitudes avec ces enfants. On fait donc découvrir notre univers sonore pendant une grosse demi-heure et puis, nos usagers expliquent aux enfants comment utiliser les instruments. On a également été à Libramont, à l’Asbl Les Elfes, pour faire le même type de représentation. On a d’ailleurs créé un collectif qui s’appelle les Mâssî Djônes. C’est venu suite à cette représentation à Libramont, sur le chemin du retour. J’avais proposé qu’on trouve un nom pour notre groupe, et c’est Eddy qui a sorti ce nom sans même l’avoir recherché, et c’est resté. Le but est désormais de proposer à d’autres institutions d’aller montrer ce que l’on fait, afin de proposer un partage musical avec eux. C’est un projet encore en train de grandir.
Quel est l’objectif de l’activité ?
Il y a deux objectifs principaux à l’activité. Le premier est de prendre du plaisir à faire de la musique de façon instinctive et dans une ambiance calme. C’est le but de l’activité du mardi. Lorsque l’on sort de l’institution, l’objectif est de représenter correctement notre collectif en montrant ce que l’on fait, ce qui est possible pour certaines personnes mais pas pour toutes. C’est aussi la valorisation des participants et de leur savoir-faire. Ils sont capables de créer quelque chose et ils peuvent transmettre leurs aptitudes. En général, ils sont contents lorsqu’on revient car ils ont appris des choses à des enfants qui sont, pour la plupart, lourdement handicapés. C’est un échange assez riche car nos usagers et les enfants en tirent quelque chose d’assez positif.
Quelles sont les difficultés ?
Ce qui est plus difficile, c’est d’avoir une régularité dans l’activité, d’avoir les mêmes personnes tout le temps pour les faire évoluer. Mais je fais avec. J’aime bien me dire que l’activité du mardi est ouverte à tout le monde. Vu que c’est de la musique instinctive, n’importe qui pourrait venir participer avec nous. C’est donc une activité que j’ai envie de laisser ouverte. Mais par rapport au travail et aux représentations que l’on va faire, je suis plus à l’aise en prenant certaines personnes plus habituées à se produire et à rencontrer un public.
Benoit Gérardy, responsable :
Pour tout un chacun, il est démontré combien la pratique et/ou l’écoute de la musique peut avoir des effets positifs : augmentation des compétences cognitives, apaisement et diminution du stress, diminution des douleurs, réduction des conséquences de certains traumatismes, …. L’intérêt des activités musicales avec notre public est encore davantage une évidence. Cela permet un travail à plusieurs niveaux : l’expression, la socialisation, le mouvement, le vécu émotionnel. L’expression musicale est une belle alternative, à tout le moins un complément, au langage oral, défaillant chez certains usagers. Par le travail collectif, mais également à travers les rencontres suscitées par les représentations à l’extérieur, l’activité travaille l’interaction, la relation, « l’accordement à l’autre ». La précision du geste, le suivi du rythme, la coordination entre les participants, travaillent les aspects psychomoteurs. Enfin il est connu de tous qu’il y a un lien fort, parfois même une confusion, entre les émotions et la musique. Une simple note peut provoquer un état émotionnel propre, faire ressurgir un souvenir enfoui, favoriser un état psychologique particulier. Romain met ses compétences (également très souvent son propre matériel !) au service des personnes, à travers ses deux animations, en traversant principalement les dimensions de bien-être, de plaisir, d’expression. Ceci en étant davantage attentif au vécu et au moment présent, qu’à la recherche d’un résultat précis. Cela est tout à fait pertinent. Le fait de permettre aux personnes de s’apaiser, est sans doute la démonstration que les choix des instruments et des rythmes joués amènent une forme de résonnance entre les sons produits, les organismes et les rythmes biologiques (respiration, battements du cœur, …) de chacun. On peut sans hésiter réaffirmer combien « la musique adoucit les mœurs » !